La psychanalyse, disait Dolto, c'est apporter à chaque séance un message inconnu de soi-même et qu'un autre perçoit parce qu'il est payé pour y être attentif et pour se projeter le moins possible. C'est une aventure revécue de sa propre vie. Rares sont aujourd'hui encore ceux qui connaissent les bienfaits véritables de cette technique d'utilité publique inventée par Freud. Aussi remarquable que subversive, cette pratique profondément éthique se détermine d'un lien social à deux inédit et permet à celui qui en bénéficie - enfant, adolescent ou adulte - de retrouver dans le parler ce qu'il lui faut de jouissance, de courage et de détermination pour que son histoire continue. Elle révolutionne de surcroît son rapport à lui-même, aux autres et au monde. Bienvenue. Cécile Crignon
- L'Ange Gabriel annonce à Marie " et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre."
Où est Joseph?
- Mais l'ombre de Dieu, tout homme ne l'est-il pas pour une femme qui aime son homme? La puissance et l'ombre de Dieu qui couvrent Marie peuvent être la charnalité d'un homme qu'elle reconnait comme époux.
- Pourtant, il semble que Joseph ne se reconnaît pas l'époux de Marie ou du moins comme le géniteur de Jésus. Il veut répudier Marie quand il apprend qu'elle est enceinte. Et Marie dit par ailleurs " Je ne connais pas d'homme."
- Il faut chercher à découvrir ce que veulent dire ces textes. Cette révélation de la conception de Jésus est faite à Marie dans sa veille et à Joseph dans son sommeil, dans un rêve. C'est dire que les puissances phalliques, créatrices féminines du désir de Marie sont éveillées, disposes, tandis que les puissances passives du désir de Joseph sont au maximum.
Autrement dit, Marie désire.
Elle sait par l'intervention de l'Ange ( là c'est une manière de parler mythique) qu'elle deviendra enceinte. Mais comment? Elle n'en sait rien. Mais, comme chaque femme, elle espère, elle désire être enceinte d'un être exceptionnel.
Quand à Joseph, il sait par l'initiation reçue dans son sommeil, que pour mettre au monde un fils de Dieu, il fallait que l'homme se croit y être pour très peu.
Nous sommes loin de toutes les histoires de parturition et de coït.
Ici est décrit un mode de relation au phallus symbolique c'est-à-dire au manque fondamental de chaque être.
Ces évangiles décrivent que l'autre, dans un couple, ne comble jamais son conjoint, que toujours il y a une déchirure, un manque, une impossible rencontre, et non pas une relation de possession, de phallocratie, de dépendance.
En Joseph, rien n'est possessif de sa femme. De même que rien, en Marie, n'est a priori possessif de son enfant. Fiancés, ils font confiance à la vie, et voilà que le destin de leur couple en surgit. Ils l'acceptent.
( Françoise Dolto, L'Évangile au risque de la psychanalyse, 1977 )