La psychanalyse, disait Dolto, c'est apporter à chaque séance un message inconnu de soi-même et qu'un autre perçoit parce qu'il est payé pour y être attentif et pour se projeter le moins possible. C'est une aventure revécue de sa propre vie. Rares sont aujourd'hui encore ceux qui connaissent les bienfaits véritables de cette technique d'utilité publique inventée par Freud. Aussi remarquable que subversive, cette pratique profondément éthique se détermine d'un lien social à deux inédit et permet à celui qui en bénéficie - enfant, adolescent ou adulte - de retrouver dans le parler ce qu'il lui faut de jouissance, de courage et de détermination pour que son histoire continue. Elle révolutionne de surcroît son rapport à lui-même, aux autres et au monde. Bienvenue. Cécile Crignon
«L’analyse, je ne sais pas si vous êtes au courant, l’analyse s’occupe très spécialement de ce qui ne marche pas ; c’est une fonction encore plus impossible que les autres (éduquer, gouverner…), mais grâce au fait qu’elle s’occupe de ce qui ne marche pas, elle s’occupe de cette chose qu’il faut bien appeler par son nom, et je dois dire que je suis le seul encore à l’avoir appelé comme ça, et qui s’appelle le réel.
La différence entre ce qui marche et ce qui ne marche pas, c’est que la première chose, c’est le monde, le monde va, il tourne rond, c’est sa fonction de monde ; pour s’apercevoir qu’il n’y a pas de monde, à savoir qu’il y a des choses que seuls les imbéciles croient être dans le monde, il suffit de remarquer qu’il y a des choses qui font que le monde est immonde, si je puis m’exprimer ainsi ; c’est de ça que s’occupent les analystes ; de sorte que, contrairement à ce qu’on croit, ils sont beaucoup plus affrontés au réel même que les savants ; ils ne s’occupent que de ça. Et comme le réel, c’est ce qui ne marche pas, ils sont en plus forcés de le subir, c’est-à-dire forcés tout le temps de tendre le dos. Il faut pour ça qu’ils soient vachement cuirassés contre l’angoisse."
( Lacan, Rome, 1974 )
" Je comprenais la Nausée, je la possédais. [...] L'essentiel c'est la contingence. Je veux dire que, par définition, l'existence n'est pas la nécessité. Exister c'est être là, simplement ; les existants apparaissent, se laissent rencontrer, mais on ne peut jamais les déduire. [...] La contingence n'est pas un faux-semblant, une apparence qu'on peut dissiper ; c'est l'absolu, par conséquent la gratuité parfaite. [...] Quand il arrive qu 'on s'en rende compte, ça vous tourne le cœur et tout se met à flotter [...] : voilà, la Nausée. "
( Jean-Paul Sartre, La Nausée, Folio, 2014, p.187 )