La psychanalyse, disait Dolto, c'est apporter à chaque séance un message inconnu de soi-même et qu'un autre perçoit parce qu'il est payé pour y être attentif et pour se projeter le moins possible. C'est une aventure revécue de sa propre vie. Rares sont aujourd'hui encore ceux qui connaissent les bienfaits véritables de cette technique d'utilité publique inventée par Freud. Aussi remarquable que subversive, cette pratique profondément éthique se détermine d'un lien social à deux inédit et permet à celui qui en bénéficie - enfant, adolescent ou adulte - de retrouver dans le parler ce qu'il lui faut de jouissance, de courage et de détermination pour que son histoire continue. Elle révolutionne de surcroît son rapport à lui-même, aux autres et au monde. Bienvenue. Cécile Crignon
- C'est alors que Freud trouva, dans les associations du malade, ce substitut entièrement approprié, c'est-à-dire dans les idées involontaires généralement considérées comme perturbantes et, de ce fait même, ordinairement chassées lorsqu'elles viennent troubler le cours voulu des pensées.
Afin de pouvoir disposer de ces idées, Freud invite les malades à se « laisser aller », comme dans une conversation à bâtons rompus. Avant de leur demander l'historique détaillé de leur cas, il les exhorte à dire tout ce qui leur traverse l'esprit, même s'ils le trouvent inutile, inadéquat, voire même stupide. Mais il exige surtout qu'ils n'omettent pas de révéler une pensée, une idée, sous prétexte qu'ils la trouvent honteuse ou pénible.
C'est en s'efforçant de grouper tout ce matériel d'idées négligées que Freud a pu faire les observations devenues les facteurs déterminants de tout l'ensemble de sa théorie. Dans le récit même de la maladie se découvrent dans la mémoire certaines lacunes : des faits réels ont été oubliés, l'ordre chronologique est brouillé, les rapports de cause à effets sont brisés, d'où des résultats inintelligibles.
Il n'existe pas d'histoire de névrose sans quelque amnésie.
Quand on demande au patient de combler ses lacunes de mémoire en appliquant toute son attention à cette tâche, on remarque qu'il fait usage de toutes les critiques possibles pour repousser les idées qui lui viennent à l'esprit et cela jusqu'au moment où surgissent vraiment les souvenirs et où alors il éprouve un sentiment véritablement pénible. Freud conclut de cette expérience que les amnésies résultent d'un processus qu'il a appelé refoulement et dont il attribue la cause à des sentiments de déplaisir. Les forces psychiques qui ont amené le refoulement sont, d'après lui, perceptibles dans la résistance qui s'oppose à la réapparition du souvenir.
Le facteur de la résistance est devenu l'une des pierres angulaires de sa théorie.
Il considère les idées repoussées sous toutes sortes de prétextes — pareils à ceux que nous
venons de citer — comme des dérivés de structures psychiques refoulées (pensées et émois instinctuels), comme des déformations de ces dernières par suite de la résistance qui s'oppose à
leur reproduction.
Plus considérable est la résistance, plus grande est la déformation.
L'importance pour la technique analytique de ces pensées fortuites repose sur leur relation avec les matériaux psychiques refoulés. En disposant d'un procédé qui permette de passer des associations au refoulé, des déformations aux matériaux déformés, on arrive, même sans le secours de l'hypnose, à rendre accessible au conscient ce qui, dans le psychisme, demeurait inconscient.
C'est sur cette notion que Freud a fondé un art d'interpréter dont la tâche est, pour ainsi dire, d'extraire du minerai des idées fortuites le pur métal des pensées refoulées.
Ce travail d'interprétation ne s'applique pas seulement aux idées du patient, mais aussi à ses rêves, qui nous ouvrent l'accès direct de la connaissance de son inconscient, de ses actes intentionnels ou dénués de but (actes symptomatiques) et des erreurs commises dans la vie de tous les jours (lapsus linguae, actes manqués, etc.).
( Freud, La technique psychanalytique, puf, 1953 )